L’apport de la tradition chorégraphique européenne pour le modern jazz et la salsa
L’Europe a apporté son patrimoine de danses à l’Amérique. Pour la danse jazz, elle a apporté en particulier l’héritage technique de la danse classique. Celle-ci a influencé profondément le jazz, en dépit de certaines apparences, ainsi que l’ensemble des créations chorégraphiques qui lui sont associés. Essayons de cerner l’apport de la danse classique au jazz, non pas à travers un historique de leur relation mais en nous attachant à ce qui oppose ou apparente ces deux formes complémentaires de l’art chorégraphique.
La danse classique a apporté à la danse jazz un patrimoine technique déjà bien élaboré. Elle lui a apporté notamment l’en dehors, technique fondamentale pour le travail de jambes et le placement du corps. Elle a apporté aussi un vocabulaire de base et une grammaire précise élaborée depuis plusieurs siècles. Le jazz s’est appuyé sur ces acquis solides tout en les « jazzeifiant ». Classique et jazz ont toujours été étroitement liés. Beaucoup de grands danseurs et chorégraphes de jazz sont d’abord passés par l’école classique. C’est le cas par exemple Jack Cole et de Mattox qui ont « cassé les lignes » du classique pour élaborer la technique jazz.
Cependant la danse jazz, comme la musique jazz, se sont profondément démarquées d’une certaine esthétique apportée par l’école classique où le beau, l’élégance, la distinction sont à l’honneur. En cela ces deux danses sont diamétralement opposées, ce qui s’explique par la différence de leur origine : la danse classique est issue des plaisirs de l’aristocratie alors que le jazz puise ses sources dans la vie des esclaves.
Les deux techniques se fondent sur des bases similaires mais divergent sur plusieurs points. Le rapport à l’espace est différent. La danse classique se conçoit avant tout pour un public. Le corps se présente de profil, de face ou en diagonale. Le port de tête est défini. Le danseur projette une image et une esthétique. Le jazz, qui à l’origine était une danse de défoulement, est moins soumis à des codes précis. L’image qu’il donne au public est donc différente. Le danseur se fait plaisir avant tout, d’où la dimension instinctive et naturelle de la danse jazz. La danse classique est conditionnée par des codes divers et variés. A ses débuts, on ne montrait que ce qui est beau : la galbe de la jambe ou le port de tête. Le jazz ignore les codes du beau. Il se caractérise par une énergie, une vitalité et un rythme issus de l’Afrique. Il s’appuie sur la libération d’une animalité primitive.
Le jazz évolue en s’imprégnant sans arrêt de nouveaux apports, dont notamment ceux de la salsa. Issu lui-même d’une fusion, il se nourrit perpétuellement de nouvelles tendances alors que l’école classique se caractérise plutôt par la conservation d’un patrimoine culturel et technique, sans cesse enrichi il est vrai par les novations apportées par des maîtres (chorégraphes et professeurs).
La salsa se danse surtout en couple. Ne doit-on pas voir là l’influence de la culture européenne ? Les danses à deux sont issues des traditions européennes. Cependant les traces de cette culture, et notamment l’apport technique apporté par le classique, ne sont pas aussi marquées dans la salsa que dans la danse jazz.