Dans le Sud profond des etats unis :émergence du blues « le peuple du blues » (Le Roi Jones)
Les esclaves nord-américains avaient été peu à peu gagnés à une forme rudimentaire de christianisme. La traduction musicale de cette acculturation s’épanouit à la fin du XIXe siècle. Tandis que la gamme musicale européenne est « bémolisée », les thèmes du chant s’inspirent de l’imagerie et de la symbolique biblique : les negro spirituals se réfèrent de préférence à la thématique de l’Ancien Testament tandis que ceux des gospels s’appuient davantage sur les thèmes évangéliques du Nouveau Testament.
L’ensemble constitue le blues. Celui-ci est tout imprégné de sensibilité africaine. Il puise ses sources dans les berceuses africaines, les chants et les clamés des plantations, dans les élaborations des minstrels. Les premiers chanteurs de blues sillonnaient le sud des Etats-Unis avec leur guitare. Ils venaient des régions rurales. Le blues ne gagnera que petit à petit le Nord. Il est à la fois poésie, plainte et chronique des événements. Il peut être chargé de moquerie, d’ironie, de colère et de révolte.
Ce qui donne au blues sa force, c’est qu’il ouvre le droit au solo, à l’improvisation et à la liberté d’expression, au naturel et à la spontanéité.. Le blues, sève nourricière du jazz, met en présence deux forces créatrices : celle du groupe et celle de l’individu doué. Il prend souvent la forme d’interpellations, de questions réponses, à la manière africaine, de ballade aussi. Les deux premières phrases semblent se répéter afin que le chanteur en trouve une nouvelle. On retrouvera plus tard cette structure dans le jazz avec le riff, dans une forme précise, structurée et fondamentale.
Le blues évoque plutôt une complainte nostalgique. La langue française s’est d’ailleurs appropriée ce mot pour désigner un mal vivre : avoir le blues signifie avoir le cafard. La période bleue, c’est aussi le moment où la femme vient d’accoucher. On lui a enlevé un bout d’elle-même. C’est un moment de tristesse. Le blues évoque aussi une certaine subtilité où l’on ne cède pas au dramatique. Il reflète un état d’âme. Le blues contient l’idée d’un mouvement retenu jusqu’au dernier instant puis qui éclate. Le blues adhère à une philosophie du cool. Etre cool signifie savoir-faire la part des choses.
Ce qui est musique devient aussi danse. La danse jazz est l’héritière du blues au même titre que la musique jazz. Elle est imprégnée de l’esprit du blues. Danser un blues, c’est évoquer avec tout son corps un état intérieur. L’accent est mis sur l’espace intérieur qu’on projette vers l’extérieur et inversement.
(Pour écrire cet article, je me suis inspiré du livre le peuple du blues, un livre que je vous conseille vivement)
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