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Salsa et jazz : des danses politiques et engagées

Faisons ensemble un saut dans l’Histoire de la danse pour mieux comprendre le jazz et la salsa, deux danses engagées très présentes dans nos imaginaires.

Déjà dans les sociétés africaines, la revendication sociale et politique jouait un rôle important. Les problèmes quotidiens étaient exposés au chef du village, aux anciens. En général, tout le village assistait aux réunions. Chacun exposait ses différends et le chef du village tranchait. Contrairement aux sociétés européennes où chacun est livré à lui-même, les sociétés africaines fonctionnent sur le mode collectif. Le jazz comme la salsa ont hérité de cette culture et sont encore des danses très engagées. 

Le jazz et l’esclavage

Pendant trois siècles, les Africains ont été esclaves. Ils furent déracinés, arrachés brutalement à leur pays et à leur culture qui fut niée. Leur vie ne leur appartenait plus. Les ethnies étaient dispersées, les membres des familles séparés. Ils travaillaient dans des conditions difficiles, vivaient dans des lieux insalubres. Les colons ne les considéraient pas comme des humains à part entière. Ils voyaient en effet en eux des animaux ou des sous-hommes. La musique et la danse ont donc contribué de façon décisive à la survie de ces peuples. De fait, elles étaient un moyen de ne pas perdre son âme, de ne pas perdre le goût à la vie, de revendiquer une identité.

Après l’abolition de l’esclavage, la situation légale des noirs changea et avec elle leurs préoccupations. Ils furent désormais confrontés à une nouvelle réalité : trouver un travail dans la société blanche pour survivre.  L’Amérique avait aboli l’esclavage mais, dans les esprits, le racisme restait toujours présent. Et même si le jazz eut un succès mondial, à l’aube du XXe siècle, l’Amérique blanche n’acceptait pas encore de mettre sur un pied d’égalité noirs et blancs. Les danses de type afro étaient considérées comme grotesques et vulgaires. Les mouvements des hanches étaient fortement réprouvés. Ils étaient synonymes de débauche et de déclassement, aux yeux des blancs et, par mimétisme, de la classe moyenne noire. 

Le jazz comme étendard de la lutte sociale

De leur côté, les Afro-américains étaient toujours à la recherche d’une identité dans un pays qu’ils reconnaissaient difficilement comme le leur. Beaucoup d’entre eux (surtout dans les classes populaires) trouvaient un soutien dans des mouvements de retour aux valeurs africaines. Les classes moyennes noires, elles, s’identifiaient plus à la société américaine blanche. « Ce type de mouvements inspirait beaucoup de mépris pour la classe moyenne, qui ne voulait d’ailleurs pas se confondre avec les classes pauvres. Elle dédaignait tout ce qui rappelait l’Afrique et voulait oublier les trois siècles d’esclavage » écrit LeRoi Jones.

Grâce aux classes populaires, la musique afro-américaine, qui trouvait sa force et sa beauté dans les profondeurs de l’âme noire, a pu résister aux dilutions constantes et délibérées de la classe moyenne. C’est un fait que les classes populaires s’attachent plus que quiconque aux traditions, une façon pour eux d’échapper à la misère. En ce sens la vitalité du jazz traduit non seulement une revendication identitaire des noirs comme tels, mais encore une forme de combat social des pauvres contre les riches (ou contre les moins pauvres) dans la société noire elle-même.

La salsa au coeur de la résistance politique et sociale

La genèse de la salsa dans les sociétés caraïbes et sud-américaines a aussi une dimension sociale et politique. Certes le racisme y était moins présent, à cause d’une forte tradition de métissage. Mais l’injustice sociale y était particulièrement marquée, donnant naissance à de puissants mouvements politiques contestataires. 

Il  n’est pas surprenant de voir que la salsa connut une évolution décisive en prenant une tournure politique. Dans cette salsa engagée où la vocalisation du récit donnait plus l’impression d’un discours politique que d’une chanson, les compositeurs dénonçaient l’exploitation qui touchait une grande partie de la population, les promesses non tenues des gouvernants, le laisser-faire des autorités devant les abus des riches, les pratiques arbitraires de la police.  Ruben Blades, auteur, compositeur de salsa, a écrit à ce propos. Notamment : « mon intérêt se porte sur ce qui se passe dans le barrio (quartier populaire) et dans la ville. Cela m’apporte une façon d’écrire à laquelle se mêlent des aspects politiques. Non pas parce que je suis politicien, mais parce qu’en tant que latino-américain, les affaires du pays ont une influence dans ma vie et dans celle des autres ». Il fut d’ailleurs candidat à l’élection présidentielle à Panama en 1993. 

La salsa et le jazz ont ainsi été et demeurent des danses engagées à l’impact social et politique très fort. Les danser, c’est revendiquer fièrement cet héritage culturel et politique !


Vous avez lu un extrait du mémoire de DE de danse de Pascale Say-Giocanti, La salsa et le jazz, une histoire commune. Suivez-la au quotidien sur Instagram : @paralasalsa.


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